mercredi 20 février 2013

Logo-rallye musical #2 - D'autres langues, d'autres yeux

"Che traditore, che traditore..." 
Il avance son regard aux sourcils édentés, qui danse, qui danse sans s'arrêter. Il fredonne du regard "I've found a new baby", et je vois le rythme s'accélérer. Il insiste tant et temps que me voici moi aussi en train de danser, comme une année folle, de tous mes yeux. Mais, un peu vexée de m'être laissée entraîner, j'infléchis à mon tour la danse. J'appuie sur mes pupilles, sur les siennes, pour que le corps change et glisse vers un tango flamenco. "A gente que van detrás"... De ces regards incompréhensibles, je ris de penser que nos cils sont aussi longs, aussi noirs, et que le swing, le flamenco, le baroque siéent à ces cils là. Et dans cet éclat de rire rétinien, je manque de tomber. "Ohime ch'io cado". Tomber, se reprendre. Toujours ces histoires de fils à tisser, à accrocher. Pas de cordes au cou, non, pas de lassos ni d'a-coups. Les araignées n'ont pas de corde. Je cherche soudain à sentir où s'accrochent ces fils entre nous. "It means the season changes". Je m'écarte un peu et instantanément je sens, les morceaux de peaux qui picotent. « Akende se boye o » je me souviens. L'autre est parti, oui, il y a longtemps, et à l'endroit de ses fils, des noeuds pour recoudre qui ne vont plus vers personne. rien ne repousse sur les cicatrices. Mais à côté, oui, ailleurs, pas loin, oui, les fils font des rejets, comme les plantes. Est-ce que lui sent les fils qui poussent ? Et où ils s'accrochent les siens de fils? A des boucles glissantes, à des morceaux de chaire ? Est-ce qu'il sont attachés ou à peine enroulés ? Je cherche des yeux mais c'est vain. Et on pense, lui comme moi, "I'm the rain, truth is I'm ruthless, I can't be contained". alors on continue de danser, jusqu'à ce que port s'ensuive, jusqu'à s'attacher encore un peu et se déborder en même temps, "feels like I'm staring at the sun". Quand on a le souffle coupé d'avoir tant dansé, aucun de nous n'a encore bougé. Mais les yeux clignotent, comme si chacun venait de se réveiller, comme si on venait de regarder droit dans les yeux le soleil de midi. Et tout grésille, sur la rétine, sur les oreilles. "Chant de merle, tu me tues". Les fines rayures qui divisent ses sourcils semblent rire ou chanter selon les lumières du tunnel. Le ventre qui fait des sursauts à ne plus savoir si je décolle ou si je tombe. "All I can think of is Alice". Car sur ses yeux, bien sur, cela va de soi, il y a un chapeau. Je ne l'avais pas vu, tant j'étais occupée à virevolter. Maintenant, je peux regarder son visage, mais le souffle pris ne m'est jamais rendu. il y a des gens autour, bruyants ou silencieux. Ils nous voient à peine. Moi qui tomvole, lui qui s'envombe. Leur tunnel pourtant n'est pas le notre. "That makes perfect nonsens for me". Nous avons arrêté de danser, mais les yeux ne peuvent pas se laisser, pas tout de suite. On se parlote, on se regarde sans se voir, on se tient. Soudain, "on appelle mon nom, mais non, je reste jouer dehors", jusqu'au bout du fil, de la ligne où nous mordons tous les deux comme des poissons idiots. Au terminus quelqu'un nous bouscule, le fil lâche. Le petit fil de soie cassé, dans le métro pourtant presque désert. il faut se ressaisir, se replier, s'enrouler. S'en aller. "Y'en a-til, y'en a-t-il un pour me dire qui je suis venue rejoindre ?"










(Avec les versions de : Monteverdi, Vian, Mariposa Negra, Monteverdi bis, Cocoon, Lokua Kenza, Peter Doherty, Simple Kid, -M-, Tom Waits, Doherty bis, et deux Bertrand Belin pour la fin)

La route des sables

Et certaines fois je tourne
Sur la route des sables

Le matin, emmêlée dans ses fils
Tire ses traits contre mes cils

Les jours de gris illuminés
Nettoient mes yeux fatigués

En fin d'après-midi, horizontal
Le soleil cherche un regard frontal -
Les arbres nombreux, rapprochés
A le cacher, le dévoiler
Comme un stroboscope de jour
Sur mon oeil gauche

J'y tourne, souvent
Comme sur moi-même
J'y fais voler mon ventre
Comme petite fille une robe

Sur la route des sables
Tout est mouvant
Comme les dunes.