mardi 18 décembre 2018

#160 - Une bribe de coïncidence

Sortir du cours de swing surchauffé dans le froid, avec les frissons de la fatigue générale mais la oie hésitante qu'offre le sursis du swing. 
En allumant le contact, la voix de Laure Adler dit pile, poil, vraiment, juste, exactement : 

Gaston Miron 

Juste ça, là, sans que je sache pour qui pour quoi. Comme si ce n'était que pour moi. Que pour moi la voix de Babx et cette "Marche à l'amour" qui me retourne depuis des mois. 

Ce qu'on est égocentré parfois. 

Que pour moi, ce titre auteur arrivé  au moment précis du départ, avec cette justesse qui manque à mes jours, au milieu du chaos qui demeure et où les étoiles qui dansent peinent à naître certains jours. 

La précision chirurgicale de cette coïncidence découpe un peu le plexus, les côtes. Ca déboutonne le nombril, paradoxalement. Respirer, s'étendre, de tout son long, de tout son large. 

Clin d'oeil à cette nuit de tempête vers chez Verte, dans ces journées où l'on s'écrivait, et où le même morceau avait clôturé l'épopée sous la pluie. Tout aussi pile, poil, vraiment, juste, exactement.  

C'est pas grand chose, juste l'espace grand ouvert soudain par le battement du souffle et l'écarquillement d'une paupière. 

jeudi 13 décembre 2018

#159 - Une bribe de Mam'Aimée

#158 - Une bribe de c'est parce que

... les jours s'allument et s'éteignent sans même avoir à souffler dessus 
... la frénésie des calendriers, emplois du temps, agendas minutes, secondes, années n'a pas laissé l'espace aux doigts de se poser sur le clavier, ici, et pas le temps au souffle de s'y arrêter
... des gens à serrer dans les bras, d'autres à laisser partir, et l'envie de profiter de chacun jusqu'au dernier frôlement de doigt
... des collages, des cadeaux, des cartes, des mots-facéties et des sourire en cloche ont occupé le bureau quand ce n'étaient pas les copies, les livres, les cours, les comptes-rendus. 
... des brouillons qui traînent qu'on ne sait plus débrouiller... trop vieux, trop loin... 


Tautologie finale. C'est parce que c'est comme ça. Le silence est là, parfois. Il faut le laisser faire. 

lundi 3 septembre 2018

#157 - Une bribe de contrainte

 "J'ai toujours cette contrainte de l'amour". 

Dit soudain C. en parlant de travail. 

#156 - Une bribe de masque et de plume

Un dimanche sur l'autoroute, un muscle bat fort sous le tissu. Les critiques déroulent leurs émerveillements, leurs réserves et leurs indignations. 

Le dimanche suivant, ils parlent de livres. 

C'est par hasard que je me retrouve, d'un dimanche à l'autre sur la route, à la même, derrière le masque, derrière la plume. 

Au milieu il  y a des envolées, des lumières, un lac, quelques failles, de grandes joies, des élans, des silences, des agacements, des films, un pique-nique au sommet, un éventail, des Birra Moretti, des bateaux, des parties de Fallout, des tiramisù, des lectures dans le jardin avec le lapin, des sommeils et des ricochets. Cent autres choses. 

D'un dimanche à l'autre, l'air de rien. Se dire que ça peut être facile. 

mercredi 15 août 2018

#155 - Une bribe de sifflet

Un dernier pas de swing, chaussures rouges aux pieds, sur le quai C. et puis un bruit strident. A. me serre fort et monte les marches. Je repars dans le tunnel. Quelqu'un vient de siffler la fin de la récré.

mercredi 8 août 2018

#154 - Une bribe orageuse

Alors, j'ai laissé la voiture rouler un peu plus loin, en bord de champs. Juste pour voir les orages. Pour voir les arbres, les poteaux, les reliefs surgir, comme des ombres chinoises, dans la lumière vacillante. Pour regarder l’obscurité à l'extérieur de soi, et être ébloui sans certitude que la lumière reviendra. Pour gronder, tonner. Pour que quelque chose éclate enfin de la lourdeur posée sur les jours.

mardi 3 juillet 2018

#153 - Une bribe de Barbara

Cela surprend. Les voix qu'on a l'impression de connaitre depuis toujours nous attrapent parfois d'un coup un peu brusque de crochet, de poing, de froid, de chaud. 
De grâce. 

"Et sans prévenir, ça arrive", "de grands oiseaux de neige" "bleu et gris ombre de silence" "c'est parce qu'à la nuit", "j'ai marché les tempes brûlantes". 
"C'est parce que je sais qu'il faut un presque rien", que "je guette tout le jour" "La joie de vivre, la joie de vivre". 

"D'autres furent moins heureux je crois"

L'autre jour c'était Barbara. 

"D'autres furent moins heureux je crois". *







*Extraits de "Le Mal de vivre", "Le Sommeil", "Mon enfance", "Parce que je t'aime"

Légendes #21 - Une bribe de toiture à redans.



On raconte qu'elle laisse toujours un Fragment d'elle-même se poser sur la toiture à redans. Que celui-ci vole parfois alentour, jusqu'à la cime d'un lampadaire, d'un arbre, d'une maison, un balcon de l'immeuble. Puis invariablement, le Fragment, la part congrue et saugrenue, revient au shed. Il parait qu'il se perche et observe la rue, sous le plein soleil qui appuie sur ses poumons comme dans la brouillard qui les envahit comme une poudre de charbon. Peu importent les rayons aiguisés, le fog suffocant, la pluie espiègle. Les épithètes l'indiffèrent, dit-on : le temps le contourne. Le Fragment toujours en veille est charpenté d'obscurité. 

mercredi 2 mai 2018

#152 - Une bribe de cuisson

Le jeune homme en costume m'escorte jusqu'en haut des gradins, dans la salle déjà noire. On a parlé parlé avec Lion, et il était difficile de s'arracher à la conversation.
Au milieu de la chanson, je m'installe en silence. La scène est incandescente. Et je me laisse saisir à feu doux, à feu vif.
Cuite à coeur, je repars, dans la nuit toute fraîche.

#151 - Une bribe de voix connue

Liste de lecture composée par un inconnu proposée par l'algorithme d'un site de diffusion de musique, lancée à la faveur de quelques pochettes de disques alléchantes. Un subtil mélange de titres connus et aimés, et de découvertes. 
Mais avec la musique on n'est jamais à l'abri. 

Alors soudain, une chanson qui faisait partie de la playlist envoyée par G. il y a une éternité, qui vient titiller les questions actuelles. 

Alors soudain, une voix familière, celle d'un chanteur aux effets de voix un peu excessifs dont j'écoutais une chanson en boucle, ado. Immédiatement, le forum où je passais tous les jours, les échanges avec C., M., et d'autres. Une rencontre dans un festival, après le bac. Et la coupure très brutale qui a suivi, quelques mois après. 

Alors soudain, un orchestre klezmer entendu lors de mon premier festival de Gent, alors que j'avais lâché les copains une heure ou deux, pour respirer et danser, et oublier que j'avais des fringues trempées. Et puis on s'était retrouvé, joyeusement, à manger des frites assis par terre. 

Alors soudain, ce morceau tiré de la bande originale d'un film d'animation vu avec les très chères du lycée et dont nous avions donné le nom à nos attaques coordonnées de chaussettes rayées multicolores. 

Alors soudain, une chanson de cette artiste qui me parle toujours de si près.

Il y aura au moins une trentaine d' "Alors soudain".
Avec la musique on n'est jamais à l'abri.
Ou alors c'est moi qui, bêtement, ne suis jamais à l'abri. 

mercredi 4 avril 2018

#150 - Une bribe de pluie d'artifice

Route du matin, dans le gris éclairé d'avant l'orage, celui qui me retourne l'épigastre. L'impression de vacances en pleine semaine, les cousins et nos chaises au bord du cours Emile Zola, les vapeurs de rhum au bord des lèvres et le rythme des mots de Sandilla sur le goudron, ceux d'Antigone frappés en 6 mm dans les tympans. La vie pousse sous la peau. Elle se déplie après les jours à se recroqueviller les doigts de pieds et le plexus.  
Alors les gouttes s'écrasent sur le pare-brise dans un rire rauque de pop-corn. Elles explosent en traînées qui remontent vers le toit. Monde à l'envers qui crépite comme un feu d'artifice de poche, en écho au rire franc du dedans.

samedi 24 mars 2018

#149 - Une bribe de vers

"Vous ferez attention, il y a des vers."

Dit le serveur en posant les amuses-gueules 
[le mot "amuse-gueule" me fait toujours penser au "brûle-gueule" qui agace l'albatros, allez savoir pourquoi]


Je disais donc. 
"Vous ferez attention, il y a des vers."
Dit le serveur. 

J'imagine des mots de Baudelaire ou de Senghor, de Salah Stétié ou de Maram Al-Masri, guettant des doigts à dévorer, des veines à envahir, dans le fond du ramequin, entre les crackers et les petits bretzels. Des choses qui retournent le ventre et le cerveau, qui creusent des questions sans fin. 

Et puis, non. Il y a juste ver-s croquants à se mettre sous la dent. Beaucoup moins bouleversant. 

vendredi 23 mars 2018

#148 - Une bribe de pas de danse

Il a fait beau toute la journée. En arrivant dans le salon aux larges vitres, on voit le ciel bleu nuit-pas-encore-tout-à-fait-tombée, avec un liseré d'horizon clair et les dizaines de fenêtres éclairées dans l'immeuble d'en face. Depuis le casque, la musique pousse ma joie sur le parquet, un pas qui glisse, un autre. Un déhanché, un bras tenu mais ondulant. Pas de danses comme il y en a souvent, sans objet et sans témoin.
Un peu avant, l'accordéon dans les bras. Un peu après, une nouvelle passe de lindy qui fait "soosh".
Cliché peut-être mais il y a quelque chose de dansant à 'approche du printemps.

mardi 20 mars 2018

#147 - Une bribe de présage

Matinée dans le soleil du printemps prématuré, au tableau blanc toujours. Je me tourne vers la fenêtre pour donner la parole à D. ou à S., je ne sais plus, quand je le vois soudain, tout près, sur le rebord du toit juste à côté. 
Le bec ostensible, le noir au corps. Beau. 
Un sourire m'attrape les lèvres, poussant le masque d'une pichenette. Il s'envole et je continue d'échanger avec la classe sur La Fontaine, masque à peine de travers, sans que personne n'ait rien remarqué, semble-t-il. Sauf peut-être l'éclat dans mon œil de corbeau. 

#146 - Une bribe de blue screen of death

Cela commence toujours avec une petite bête. Une qui sait renifler les failles et s'y glisser, l'air de rien. Une Suinulle qui vient s'installer l'air de rien, attirée par l'odeur d'un raté, d'une fatigue, d'un geste maladroit, d'un complexe indicible, d'une question qui ne trouve pas de sortie. 
La bestiole fait son nid dans les cavités délaissées par une ancienne congénère, ou creuse dans les chairs pour se faire une place pour l'hiver. Elle s'endort, parfois. Elle attend, tapie derrière un sourire ou se blottit sous les cicatrices encore chaudes. Préoccupation.
Le mal est fait. 
Le chemin est tout tracé et voilà que bientôt, ce sont des dizaines de Suinulle qui se faufilent et écartent les parois de la faille. Le système est ouvert à tous les vents. Elles se font un foyer, au chaud, arrachant les nerfs pour alimenter leur téléviseurs, suivant les dendrites, grignotant les neurones, paralysant les muscles jusqu'à se sentir tout à fait chez elles. Cafards.

Le système lutte comme il peut. Mais parfois il n'arrive plus à endiguer la prolifération des Suinulles. Il ne parvient ni à refermer la faille tout à fait, ni à traiter l'intégralité des tissus attaqués. Occupation.
Erreur système. 
Ecran bleu. 

Décrasser tout, ouvrir les vannes et laisser les Suinulles sortir, emportées par les courant lacrymaux et respiratoires. Même si cela heurte les poumons et les paupières auxquels ils s'accrochent, même si ça laisse ensuite les courants amers de honte et de fatigue, il faut les déloger. En croisant les doigts bien fort pour qu'il n'y en ait pas une ou deux qui soient restés, à l'abri, l'air de rien, dans un repli du ventre. 

Relancer la machine, alors, en ne sachant pas toujours trouver l'équilibre entre s'ouvrir et se protéger. 

samedi 10 mars 2018

#145 - Une bribe de fêtes foraines

Petit matin gris dans le cou et dans les veines.
Sur la place, on démonte les manèges. On fait, à nouveau, la place nette. Ça fera moins de bruit et de tracas, pensent les riverains. Il faut qu'on prenne la route bientôt, semblent dire les bras des forains. Et dans la gorge, un minuscule fracas. Un petit serrement : n'être pas montée à bord d'une troïka, ne pas avoir eu le ventre retourné et les cheveux ébouriffés.
Petit matin gris, dans le cou et dans les veines.

Mais peu importe, puisque Michèle l'a bien dit : "Jamais les lampions ne s'éteignent, sur nos amours, ces fêtes foraines...".  


vendredi 2 mars 2018

#141 - Une bribe de décalage

[Une bribe s'est enfuie, alors je rattrape la 141 par le col et je la ramène par ici]

Soudain, l'équilibre oscille comme une flamme fragile. Devant les pieds il y a un infime espace, un millimètre à peine. 
Un millimètre entre le corps et le monde, entre les mots et la ronde. 
Les mains sont trop loin, d'un millimètre vertigineux qui nous sort de la danse. 
Un millimètre c'est assez pour glisser une paroi de plexiglas ou une vitre de train dégueulasse.
C'est confortable, on peut y poser le front, trouver quelque chose de stable quand ça tangue trop, et qu'on est près de tomber. 
En dehors du monde, d'accord. Mais appuyé contre une limite plus solide que les contours indiscernables qui se froissent autour. En dehors du monde, d'accord, solidement planté en retrait, à regarder. A s'excuser de plonger parfois le nez dehors. Dedans. Au milieu de la vie qui tourne. 

Avant. Tout le temps. Construire des vitres autour en acceptant que la lumière soit tamisée. Faire que tout soit moins sensible, moins brutal. 
Et puis, casser, enlever, défaire, un grain de sable après l'autre. 
Plonger la main dehors, la glisser dans d'autres paumes en ayant la trouille de les griffer avec les ongles. Avec la crainte de sentir les peaux lisses se rétracter sous la peau rêche.  Avec la peur des poings dans le bide, des mots qui projetteraient à nouveau la paroi. 
Apprendre à glisser aussi le bras, et l'épaule, le torse, tout le reste jusqu'à la tête dans le manège flou et grisant. Avoir tellement observé qu'on peut se débrouiller, faire comme si on comprenait, comme si on savait faire, nous aussi, la vie. 


Carte d'Etandres 2 : Etonnements

Chers,

J'espère que tout va bien chez vous.
Ici, le voyage continue. J'ai beau savoir qu'il en était de même à la maison, je suis surprise par la célérité des changements. La météo, les paysages. Oui, j'ai beau savoir qu'il en était de même, à la maison, le dépaysement ramène tout ce qui semblait être évident au juste étonnement. Ah, tiens.
Des montagnes surgissent sans qu'on les ai vues venir, comme tapies derrière des brins d'herbe.  Il se met à pleuvoir, parfois, dans les bars ou à rayonner au milieu des journées grises. Et des pics s'escaladent comme de rien, alors. Alors on apprend à se laisser surprendre. 

mercredi 28 février 2018

#144 - Une bribe de Chansons à L.

Route du soir. Nouvel opus d'L. dans le lecteur. Le rouge aux lèvres, la hâte. Lueur des lampadaires et nuit d'aniline.

Route du matin. Nouvel opus d'L. dans l'habitacle. Le teint pâle, la joie. Lumière horizontale d'hiver.

"... Et tant pis, tant pis si j'orage, / Tu sais, j'espère."

#143 - Une bribe au tableau

Le soleil du matin brille de toutes ses forces sur le tableau blanc, et y ouvre une large fenêtre. Ça fait plisser les yeux. J’aimerais y écrire des vers de Miron, des tirades de Racine ou de Mouawad, des mots d'Albane Gellé.
Mais je retourne sans regret aux cases du tableau de commentaire composé. Juste de savoir qu'on aurait pu.

lundi 26 février 2018

#142 - Une bribe de Gypse

"Et j'ai repéré une maison d'édition qui publie de jeunes auteurs."
dit-il, l'air de rien. 
"Pour tes écrits."
 dit Gypse comme si c'était évident. 

Gypse, comme ça, au milieu des jours de travail, laisse tomber des cailloux inattendus. On troque alors des jeux d'écriture, des textes, des livres d'Ananda Devi. Il a des mots fantaisistes et justes. En quelques syllabes, colmater les confiances ébréchées. 

Décidément, le gypse est une roche tendre.

jeudi 22 février 2018

#140 - Une bribe d'ombres

Dans la salle d'attente des soins externes, la fenêtre réchauffe le dos et la tête. Aucun livre pour s'accrocher à quelque chose, des doigts, des yeux.
Sourire à la voisine qui se renseigne et dont les craintes se devinent, lui répondre calmement,demande un véritable effort mais cela silencie les points d'interrogation aiguisés qui traînent dans le ventre.  
Puis plus rien. Il ne reste qu'à s'accrocher à ce qui traîne par terre : la lumière. Les mains jouent aux vagues, au animaux, aux arabesques et aux formes indéfinies. Les ombres s'étirent et se replient au rythme des inquiétudes. Elles permettent de ne pas oublier qu'il y a dehors un grand soleil d'hiver. 

mardi 20 février 2018

#139 - Une bribe des astres

Les phares du camion sont trop vifs, au milieu de la nuit bien noire. Ils font comme des soleils immobiles. Mal aux yeux mais un pétillement quand même.

#138 - Une bribe du berger

Sur les panneaux électriques, pendant quelques kilomètres, il n'y a, à chaque fois, qu'une étoile. Ça donne cette étrange sensation de suivre la bonne direction. Et dans la nuit, je file vers la Flandre, joyeusement.

Au retour, le jour est aussi étoilé. 
Tout est bien, alors. 

jeudi 15 février 2018

Carte d'Etandres 1 : Occupation des lieux

En ce moment, je visite des contrées étranges. Un continent, un archipel : Les Etandres. Et j'ai très envie de vous adresser quelques cartes.  N'ayant pas les adresses de tout le monde, je les envoie ici, poste restante. Voici quelques semaines déjà que le périple a commencé. Tant de choses sont bousculées, dépaysées, que tout récit chronologique et exhaustif paraît impossible. J'enverrai donc plutôt quelques instantanés. 


Chers,

J'espère que tout va bien chez vous.
Ici , j'écoute toujours beaucoup de musique. Et chose curieuse, les morceaux qui résonnent avec les paysages sont aussi variés qu'une chanson d'amour très lyrique, qu'un tube trash remixé, ou qu'un morceau d'électro-swing.
Est-ce que ce sont les infinies nuances de couleur qui offrent une prise si large aux esthétiques contraires ? Ou est-ce moi qui suis tellement occupée par le voyage que tout semble s'y rapporter ?

Légendes #20 - Déferlante


On raconte qu'il y a sous sa poitrine, entre le plexus solaire et la base du cou, une grande pierre creuse, une poche de calcaire emplie de liqueur. Celle-ci varie selon les heures du jour et les saisons, les densités de silence et la qualité de la conversation.

Hydrolat de sauge, vin lacrymal, décoction de délassement, macérât des doutes, huile de culpabilité pressée à froid, infusion de menthe, extrait de joie pure, essence de colère, bile mal déglutie, eau de vie, sirop de quiétude, extrait de découragement, miel ambré de niaiserie, vitriol bleu, rhum ardent, filtre d'obstination, alcool d'orages, sève de charme, potion lymphatique, philtre d'élancées, élixir de grisaille, tisane d'extravagance, tonic de dérangement. Chartreuse. 
Cela tient, au milieu de son corps karstique. En général. 

En général, parce qu'on raconte qu'à certaines saisons, le calcaire cède et que la liqueur déferle, sous le regard hébété ou ennuyé des passants éclaboussés. 

On ne sait pas qui se forme en premier du calcaire ou de la liqueur. Toujours est-il que tout est à refaire.

mardi 6 février 2018

Légendes #19 - Apparitions


On raconte qu'elle est parfois le témoin d’apparitions. Ce sont des divinités anciennes et sans nom. Elles surviennent dans des endroits incongrus, quelquefois rongés d'une foule aveugle à ce qui se joue sur une dalle, une vitrine, un panneau de stationnement interdit. Les divinités ne s'éternisent pas et repartent aussi silencieusement qu'elles sont venues, la laissant estomaquée, souffle court, paupière battante. La seule personne à qui elle a tenté de l'expliquer lui a répondu en haussant les épaules qu'il ne s'agissait que de reflets, d'éclats de lumière fulgurants, c'est tout. 

Il paraît qu'elle a rétorqué : "Oui, exactement. C'est tout. Pourquoi le dire comme si ce n'était rien ?"