vendredi 6 décembre 2019

#185 - Une bribe de fin

Dans la nuit derrière l'écran, les chansons aux ouïes, je termine une volée de bulletins et je vais me remettre aux cartons. Vient la sensation, le fourmillement Dans la nuit, la dernière. Vient la sensation, familière, de mes nuits musicales, à la tanière. La liberté qui va avec le soir qui s'enfonce loin dans la ville et le brouillard, la solitude parfaite, le corps épuisé au bord de la danse. Dans la nuit, la très chère. Le pelage de la louve hérissé et soyeux, la chair souple et tendue. Les oiseaux dans le ventre, les racines aux orteils et le temps aux tempes. Un deux trois quatre. Un deux trois quatre. Dans la nuit, la dernière. Et l'envie de chanter comme on fait sur les tombes, pour célébrer ce qui n'est plus, pour célébrer ce qui arrive. La dernière nuit ici. Avant de partir, Sans hésiter.

mercredi 4 décembre 2019

#184 - Une bribe de journée nulle (ou pas)

Un de ces jours. 
C'est un de ces jours où il faut décomposer chaque geste de la journée pour être capable de les réaliser, parce que si on regarde trop en avant, le vertige sera trop grand et on n'arrivera jamais à sortir de son lit. Tout semble coûter beaucoup plus cher. L'alerte météo résonne : risque de grandes marées sur les plages lacrymales. Avis de grand vent dans la tête plus que dans les cheveux. 

Et puis ce jour se lève dans l'orange rosé, derrière les fenêtres de la salle 308. Les strates se poussent au fil de heures. On peut s'offrir un micro-instant de rêverie, un atome d'horizon, invisible. Un coup de fil avec Em, imprévu, adoucit la courbure des épaules et aide à tendre le regard  vers les jours qui viendront. En voyant ma mine défaite, ce collègue dont j'ai oublié le nom s'approche à pas hésitants et me tend une petite boite de smarties. Les petites soucoupes de pastel dansent dans ma main : aller encore un peu plus loin. Quelqu'un éteint la lumière sans me voir. Petit fantôme qui hante des salles toujours pas familières. Pourtant, elle arrive, et me propose de rester : une clé contre un détour en voiture. On peut poser l'armure et laisser échapper un rire cassé mais sincère. 

Un de ces jours. 
C'est un de ces jours dont on sort épuisé. Reste la satisfaction d'en être venu à bout et la gratitude d'avoir été portée jusqu'au soir par des douceurs invisibles à l'oeil cru.