dimanche 5 novembre 2017

#137 - Une bribe de Limoncello

Tout le monde est là. 

On discute de travail, de ciné, de voyage. On se raconte des anecdotes. 
Sur le balcon, elles sortent fumer et se raconter les autres nouvelles de la vie, celles qui ne se disent pas au milieu du groupe. 
Au milieu des conversations qui fusent, E. fait une allusion que beaucoup n'entendront pas. Son oeil frise, elle le sait. 
Alors qu'elle doit rentrer, C. donne quelques nouvelles, essentielles. 

Tous les autres sont partis. Il reste l'Homonyme et moi. La bouteille de Limoncello. Et les discussions qu'on n'aurait avec personne d'autre. 
Quand elle part, je vais ranger la pochette en tissu qu'elle m'a apportée et la bouteille de Limoncello, en me marrant. 

Tous les étages de la conversation.
La joie de. 
Ceux-là. 

lundi 25 septembre 2017

#136 - Une bribe de fin de semaine

Sous la lumière cuivrée de septembre, les samedis m'envoient valser vers les amis à la voix chère, à la voix claire. Et le mot, tout de chair, s'ouvre comme un fruit mûr qu'on peut croquer, partager, absorber. L'écoute est tangible dans les pièces vêtues de bois, dans l'odeur du café, sur les chemins encore verts.
Nous avons cuisiné, discuté, partagé des repas, marché. Nous avons parlé.

dimanche 10 septembre 2017

#135 - Une bribe de nuage

En sortant de la clinique, alors que l'énergie s'est fait la malle, je craquelle un petit sachet bleu à pois blancs et je mords dans une guimauve en nuage, pour la douceur.

mercredi 9 août 2017

#134 - Une bribe d'étoupe

Dans ces vacances, je profite de la joie de faire des détours. De ne pas suivre le plan de départ, de se surprendre et d'en surprendre d'autres. S'appeler au dernier moment, parce qu'on passe près ou presque. Partager une soirée sur la terrasse de la maison en travaux, pique-niquer à côté de l'église d'un village perdu, arriver dans la ruelle comme si c'était encore chez soi, prendre un repas le long de la route. 

En réalité, les détours sont parfois si larges qu'ils deviennent des étapes. Mais ça me va. Dans cet été où le moteur a longtemps été de fuir le foyer,  en tressant tous les doigts disponibles pour que l'air y soit à nouveau respirable à la rentrée, ces kilomètres sous le ciel bleu vers les aimés ajoutent à la joie. C'est un luxe, en tout cas le mien. 

Des détours, des étapes. Des étoupes de lin pour fixer les étincelles et embraser l'été. 

jeudi 8 juin 2017

#133 - Une bribe de plantes à pieds

Je plante des trucs, je pose des pieds en terre, je les pousse à pousser.
Je les rempote, tranquillement, et m'en sens plus agile.

Je plante des trucs, et c'est un peu mes pieds que j'enracine. Mes plantes que je repose à la ville.

#132 - Une bribe de sous-marin

Parfois, il y a comme un sonar au bout du nez. La tête dans le plexiglas fend les eaux troubles. Mais l'alliage en titane est éraflé, et le propulseur tout gêné. 
On vit du dessous, à travers l'eau et la vitre, recouvert de cette épaisseur superflue. L'air a cette odeur de renfermé. Il faut alors se laisser traverser les jour, casque aux oreilles, les mains collées aux copies et au clavier. 
En sous-marin. 
Jusqu'à retrouver le mode d'emploi : il suffit alors de remonter, de se dé-corseter d'ouvrir grand les yeux et les poumons, et de laisser venir les milliards de micro-sensations qui fourmillent et rappellent à la terre ferme. 

Ce qui change avec le temps, c'est qu'il y a maintenant toujours la certitude de retrouver l'air, à un moment ou à autre, et la conscience qu'il ne sert à rien de s'épuiser les poings contre la paroi ou les yeux à chercher un chemin. On retrouvera la route à l'instinct. 
On reviendra, un peu plus vivant à chaque fois. 

Semaines en sous-marin, mais je suis en route, je reviens. 

lundi 5 juin 2017

#131 - Une bribe de souris

L'Homonyme et moi, on est là, armées d'un balai, à ouvrir le placard, précautionneusement, à en retirer les boites et les bidons.

Dix ans plus tôt, la capuche rabattue sur le nez, je traversai la place en pleine nuit pour trouver I. empapillotée dans un drap et le balai à la main, à scruter le plafond. 

Cinq ans plus tard, il y avait un grand cri au sortir de la douche, et les jours suivants à remplir le vieil appartement de pièges et de poison avec Sandilla. 


Deux villes, quatre ou cinq vies d'écart. Des amies. Des souris (chauves, parfois) et des femmes.


samedi 3 juin 2017

#130 - Une bribe des derniers mois

Tout a filé, sous les doigts, comme une ligne emportée par un très gros poisson.

Je ne suis plus vraiment sûre que ce soit la vie qui ait battu son plein. Plutôt le quotidien qui m'a battue à plate couture. Mais je commence à voir la surface, et ma tête sort de l'eau, bientôt. 

samedi 15 avril 2017

#129 - Une bribe de bribes

J'ai plein de bribes logées dans le ventre, terrées sous le vernis écaillé à mes ongles, accrochées aux follicules pileux de mes cheveux. Des bribes agrippées à ma gorge irritée, affalées sur ma peau un peu plus bronzée.
J'ai des bribes qui attendent sous la langue et la pulpe des doigts. J'ai juste du mal à trouver le temps de les habiller avant de les laisser aller.

J'ai plein de bribes de jours et de nuits, ces dernières semaines,
J'ai du mal à trouver le temps,
et je me demande si ça veut dire que la vie bat
quelque part
son plein.

Légendes - 18 : Mures sauvages


On raconte que ce qu'elle trouve le plus difficile, dans le travail de reconstruction, c'est de chasser les feuilles et les mousses flanquées entre deux pierres descellées, c'est d'arracher les mauvaises-fois et les mures sauvages. Elle se demande si le prix de la solidité, c'est de renoncer aux herbes folles. 

dimanche 19 mars 2017

#128 - Fin de repas

Nous étions les dernières dans le restaurant. Au moment de payer, S. et moi nous sommes avancées vers le comptoir, en disant une fois encore combien le repas était délicieux. Et qu'on partageait la note en deux, pour l'anniversaire de Sa.
 
Votre anniversaire ? Quel âge ça vous fait ? Aaaah, il faut profiter, ça passe vite. Si j'avais su, j'aurais mis la musique et une bougie. Attendez, on va fermer et puis danser. 

Le rideau un peu baissé, elle a mis une chanson libanaise. 

"Ca parle d'amour."

On a dansé toutes les quatre, quelques minutes, dans la nuit éclairée. 

samedi 18 février 2017

#127 - Une bribe d'étoile filante

Assise sur le sol des toilettes, des lambeaux de cadres, des souvenirs de photos, des traces de patafix s'arrachent tranquillement.  Dans la pièce d'à côté, T & A s'occupent du radiateur, du lessivage des murs, de la peinture. A défaut de voir les nuages blancs du dehors, je regarde les formes qui vont et viennent dans les haillons de tapisserie. Un sapin, une virgule. Souvent une comète ou une étoile filante. 
Osciller encore entre la joie tranquille de ce travail qu'on voit progresser et une pointe d'amertume. 

J'aimerais rester, peindre les murs pour moi, ne plus trembler. Trop tard. Trop de fatigue. Je regarde le papier peint s'effiler. 

Une étole fuyante. 

dimanche 12 février 2017

#126 - Craqueler

Elle me demande si j'aime lire, moi.
Je réponds en riant, comme si la question était naturelle. Pourtant, il y a dans la gorge une faïence craquelée.

#125 - Cliquer sur des sourires maltés

On a relu dix fois les dates et les heures, le départ l'arrivée. Les cases du calendrier. On a ouvert des onglets en pagailles pour vérifier ce qui se passerait, si on changeait le jour, si on changeait la ville.

(Si on changeait le jour ?
Si on changeait la ville ?
Tout cela sonne comme des propositions qu'on accepterait peut-être, un jour ou l'autre. )


On a relu dix fois la clause étrange sur les sièges. On a fini par admettre que nos bagages pourraient voyager, qu'une collation serait servie. On ne sait toujours pas si ce sera à nous, si on sera debout.


(Est-ce que ce sera à nous ?
Est-ce qu'on sera debout ?
Tout cela sonne comme des avenirs qu'on questionne.)

On a repris les petites lignes.
Et puis on a fini par cliquer sur.
Valider.

Cliquer, le sourire sûr
Vers le mois de juillet.

Et trinquer.

#124 - Au Savagnin

Ce n'est pas cela qui fait la soirée, qui réchauffe la cuisine, qui permet de détendre tous les muscles et les nerfs - éprouvés ces derniers temps. Ce n'est pas cela qui alimente les conversations, qui instaure la confiance qui permet l'abandon total dans le canapé. Pas cela qui nous lie quand on discute dans la voiture, la chambre, le grenier, la cuisine.  Pas cela qui donne à lire les derniers textes en cours, et de quoi cogiter. Non, ce n'est pas cela qui donne au week-end l'apaisement dont on avait tant besoin. Mais quand même, les fins de semaine sont comme les fondues : meilleures avec du Savagnin. 

dimanche 5 février 2017

Légendes : 17 - Saumure



On raconte qu'il faut se coller, tout contre le fragment du mur, avant de plonger. Et puis, sortir de l'eau, en lapant le sel de la peau. Ça préserve, paraît-il. 

#123 - Une bribe des rires à venir

Il a fallu partir, encore une fois, dans la nuit. Prendre d'autres clés. Un drap, un livre, un duvet de douceur. Il a fallu demander, une fois encore. Et c'est dur à chaque fois, demander si, voir comment, s'excuser de, mais là vraiment. 
Devant la molette qui résiste et les heures qui filent, c'est l'abattement. La grande fatigue. Au moment du renoncement, juste, elle donne un autre code. A un chiffre d'écart, vers minuit moins le quart, c'était l'orage ou l'accalmie. 

Du fond de la fatigue, je pense, sous le duvet, qu'on en rira un jour. Qu'on balaiera en un éclat les voix qui grattent, les cris qui heurtent, l'intranquilité, la crainte. Qu'on re-tissera les nerfs craqués, qu'on recollera les plombs pétés, qu'on reprisera les tympans craquelés. 
Je pense à la confiance et au refuge à retrouver, aux rires qui viendront avec les cartons. 

Légendes : 16 - Ramures



On raconte que la pierre des maisons lui fait comme un corset, à contenir les neurones et les bras. Alors, en construisant la sienne, elle aurait omis les vitres, volontairement. Histoire de laisser passer les branches amies et les ramures de rêves.  



mardi 31 janvier 2017

Légendes : 15 - Armure ?

Par les temps qui courent, on parle beaucoup de murs, tout autour. On les effleure, on s'y heurte, on s'y appuie. A venir donc une série de Légendes mur-murées.
*




On raconte que les murs qui l'entourent sont ridiculement bas. "C'est à peine une protection, se dit-on. On peut presque les enjamber." 
Se dit-on.
En passant l'un et l'autre, et le troisième. 
Mais ils s'étendent à perte de vue. Et les genoux vieillissent toujours trop vite. 

vendredi 20 janvier 2017

#122 - Une bribe de foyer


Se hâter de rejoindre l'âtre, bossuer le dos sous la voûte, s'affaler contre la pierre dans le secret des grottes, esquisser un pas de danse sur les grincements du parquet, se tenir les mains au murs, contracter les pieds sur les carreaux glacés, s'asseoir en tailleur sur le stratifié, se chauffer les mains près du four ou de la cheminée, imprimer son odeur sur la couverture du canapé, laisser les doigts rouillés sur les touches du 'cordéon, faire brûler du papier d'Arménie dans des coupelles. 

C'était si simple d'être chez soi. 

Et maintenant, il faut réapprendre l'insouciance des gestes, reconquérir tous les coins. 
Faire flamber les peurs et nerfs usés, rallumer le foyer éteint. 

#121 - Une bribe de noms d'oiseau

Il y a cette histoire dans laquelle tous les personnages ont des noms d'oiseaux, de bêtes. Des noms à plumes, à poils, des couvertures pudiques pour quelques mises à nu. On frôle les axillaires et les pectoraux sous les amples frissons qui fragilisent et élèvent ces tendres moineaux.

Et les noms d'oiseaux volent, sans vulgarité.