vendredi 25 mars 2016

#60 - Bribes de sensations à la ville avalée par Pia

En dévalant les escaliers, les rues en pente douce, les allées, Pia entend chaque mouvement du tissu. Le sac lui revient contre la hanche, à intervalle régulier, ça fait un rythme sourd. Ploup Ploup Ploup. Ses chaussures noires ont été râpées par le sable. Elles font peu de bruit et donnent aux pas la légèreté, l’élasticité qui leur manque. 
Dans les oreilles, il y a les White Stripes, puis Tiersen, Eminem, et enfin Nina Simone. Aléatoire et pourtant tout lui va comme la robe, celle à rayures. Elle sent la musique lui couler sur la nuque, entre les omoplates, et la rendre à la danse intime des jours. Il faut refréner les gestes qui se dessinent dans ses membres et qui se pressent contre la peau, de l'intérieur. Ils seraient justes mais incongrus : c'est une petite ville, on ne sait jamais qui on peut bien croiser. 

Elle se sentirait presque jolie. Enfin, ce n'est pas le mot exact, mais ça s'en rapproche. Disons que Pia se sent évidemment là. Que ce qu'elle a aperçu dans la glace de l'entrée correspond à ce qui se file à tous les étages,  à cette audace conquise un écheveau après l'autre et l'air arraché aux lourdeurs des derniers jours. Bouffées de joie inexplicables. Elle a l'impression si rare de se ressembler, dans ce qu'elle a de meilleur. Alors tant pis si c'est trompeur. Si l'aileron noir au dessus des yeux triche un peu. Ses yeux s'envolent un peu plus haut. Tant pis si personne d'autre ne le voit. 

"Oh ! Que tu es jolie !" s'exclame C. en ouvrant la porte. 
Vanité légère, presque vanillée. Sans oublier le mascara ni la mascarade. 



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