lundi 1 février 2016

# 7 - Une bribe de pire.

Ce jour-là, dans la salle de réunion, on envisage le pire.

C'est étrange cette manière de dire "le pire". Ce superlatif, laissé tout seul, sans nom. Un sommet, singulier et unique.

On le sait bien, pourtant, que ce n'est un "pire" parmi d'autres "pires".

Peut-être que les pires sont tellement terribles qu'on ne peut en envisager qu'un à la fois.
Peut-être qu'on oublie, comme les poissons rouges, que tous les autres pires ne font jamais que dormir, cachés derrière le grand méchant pire du moment.

On divague pour repousser les images. Pour ne pas penser à ce que ce serait, des coups de feu dans les couloirs. Ne pas penser à ces films vus plus jeunes et à ces images récentes dans les journaux.  Pour ne pas se dire qu'un jour, cette responsabilité, celle de quinze, vingt, trente-cinq élèves pourrait devenir celle de la vie de trente-cinq personnes.

On a passé les derniers mois à se dire que le risque zéro n'existe pas, qu'il faut faire, encore, faire avec la peur ou la menace, et  qu'il ne faut surtout rien délaisser de nos libertés pour un petit surplus d'illusoire sécurité. Mais on a beau être philosophe, stoïcien ou épicurien, on a beau chantonner "Que sera sera", quand on envisage une seconde que ça puisse arriver, dans ces murs là, quelque chose tremble.

On s'attelle aux nécessaires plans de mise en sûreté. Le sort est ironique, on se rappelle que les jours sont tout, sauf sûrs et qu'il arrive parfois qu'ils basculent. Dans ce pire là comme dans un autre.


On fait des blagues très noires, comme on déglutirait.
On discute comme on peut, de la vie en pire.

On distingue un instant, avec horreur, combien il est grand et pourtant inexistant, notre empire.

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