samedi 5 septembre 2015

Sur la voie du bleu #3

La voie du bleu, bordée par celle de l'orange, s'ouvre toujours. Discontinue, effacée par moment lorsque le travail colonise les chairs et les espaces, lorsque l’extérieur extermine, lorsque la macération lente  fait de toute manière une bouillie pas encore re-phasée. Pas encore reprises aux sucs qui la travaillent. Mais elle reste sous les pieds, ou à défaut juste devant. 

C'est Sète qui l'a confirmé, il y a deux ans, lors de l'été de la méditerranée. A promener dans le quartier haut, au soleil, devant les eaux et les toits, bleu et orange, tiens donc. A se dire que c'était juste d'être là. Il m'a fallu du temps pour comprendre que la voie du bleu ce n'était pas seulement les cailloux de la lecture, de la couleur et de l'écriture. Que c'était aussi la rencontre des gens, à visage découvert. 

L'idée la plus banale et la plus simple, celle qui m'a été transmise parmi les premières, a mis longtemps à m'apparaître clairement sur la route du poème. C'est comme s'il fallait redécouvrir les choses les plus simples sans cesse. Comme s'il fallait un temps infini pour qu'elles deviennent autre chose que des topoi : une sensation, une évidence presque physique. 

Depuis cette première visite à Sète, j'ai donc appris à arracher quelques verrous, non sans m'écorcher les doigts au passage, et à aller parler avec les gens. Avec des poètes, avec des éditeurs de recueils ou de revues. Avec d'autres passionnés. Je ne parle pas de "réseau-ter"ni de donner des cartes de visite. Plutôt de sortir de soi et de se montrer moins déguisé. Oser dire "j'écris et j'ai envie de partager". Donner un peu de soi et avoir les portes plus ouvertes pour recevoir les autres. Leurs propres "j'écris et j'ai envie de partager". Pouvoir nouer les "et ça vous aimez ?", "vous connaissez ce recueil ?", "mais comment vous faîtes ça ?" et les "quand vous avez commencé, avez-vous... ?". Des trucs d'écriture, des coups de sang, des conseils d'édition, des rencontres poétiques, des mentors et des plaisirs coupables. Bref, de la couture, encore. Autrement. Alors je me pousse, j'oublie la voix qui dit que je n'ai peut-être pas assez à troquer. Je fais confiance à la voie du bleu. On finira bien par trouver sous les pavés, les pages.  

jeudi 21 mai 2015

Laisser tomber

Pourquoi
Moi qui laisse tout tomber,

Les bols qui jouent les archipels
Sur le plancher
Les verres
Qui s'y cassent le pied

Les bras potelés d'un duvet
De mollesse
Le long du corps
Quand les jours sont trop
Lourds
A bout de bras
Ou les écrans qui se craquellent

Qui laisse tomber
Les marqueurs à tableau
Les projets esquissés

Laisse Tomber
En général

Tomber
Au point d'avoir creusé au genou
Un sillon
Dès l'enfance très tendre


Pourquoi
Pas le jour ?
Pourquoi ce refus obstiné
Du sommeil ?
Cette étreinte crispée
Des nuits ?
Pourquoi tenir tant
A la journée,

Elle s'est enfuie.

Enfouie sous les volutes d'encre
Les réverbères
La journée a mis du temps
A percer la coquille
Voilà que,
Même partie, et creuse, et livide
Je l'agrippe 

C'est peut-être
Parce que c'est toujours quand elle commence
Juste
A se retourner
Que l'on se touche.
Peut-être parce qu'il faudrait
Qu'elle ait la profondeur
Le silence de la nuit, 
La journée. 

Peut-être que c'est une excuse
Que j'ai tout ce sommeil
A me faire pardonner.

Il faut veiller,
Ensuite. 
Veiller à ne s'abandonner
Trop vite.